Les débuts - 1913-1920
Joseph Lemouzy est né le 29 mai 1899.
Dès 13 ans, il est passionné par la T.S.F. qu'il découvre
dans un article de vulgarisation de Sciences et Vie.
Il
réalise ses premiers montages dans une cabane de 9m² située
au fond de la cour de l'immeuble de la rue Boucry où habitaient ses parents
et expérimente un poste récepteur de sa fabrication dans la forêt
de Montmorency dont l'antenne est fixée au sommet d'un arbre (J. Lemouzy
est au centre sur la photo).
Dans son local, il capte les signaux horaires de la Tour Eiffel au moyen
d'une antenne placée sur le toit., ce qui provoque à la déclaration
de guerre de 1914, sa dénonciation en tant qu'espion, par un "patriote"
du voisinage, et lui vaut la confiscation de son récepteur par la police
et ordre de démonter son antenne.
48 heures plus tard, il capte à nouveau les signaux de la Tour Eiffel,
utilisant la gouttière en zinc comme antenne et en accordant celle-ci
au moyen de 100 mètres de fil isolé bobinés sur une boîte
à cigares contenant le détecteur et l'écouteur.
En
1915, il s'installe dans une grande pièce et construit différents
appareils, détecteurs à galène, détecteurs électrolytiques,
bobines d'accords etc.
L'idée d'un nouveau montage, mais le manque de moyens techniques pour
le réaliser, l'amène à s'adresser à un des constructeurs
les plus réputés, Louis Ancel, Boulevard Péreire.
Ce dernier, manquant de personnel, lui propose de le prendre à son service
pour un taux horaire de 20 centimes, ce que J. Lemouzy accepte aussitôt.
Il y rencontre Marc Chauvière
qui deviendra l'un des meilleurs ingénieurs en télévision.
Le jeune employé pose constamment des questions à L. Ancel, qui
prenant peur que ses secrets de fabrication (sensibilisation de cellules au
sélénium pour la télévision) ne soient divulgués
par inadvertance, lui interdit l'accès à son laboratoire de physique.
Déçu, puis plus tard, n'obtenant pas les 10 centimes de l'heure
d'augmentation qu'il réclame, il le quitte et à 16 ans se met
à son compte.
C'est armé d'une chignole pour toute "machine-outil", qui
lui sert de perceuse, taraudeuse, bobineuse etc., qu'il décide d'entrer
en concurrence avec de grand constructeurs comme Ducretet, Ancel, Péricaud,
pour ne citer qu'eux. Afin de s'équiper, il fait divers travaux pour
le quartier, installations électriques, photos, serrurerie, soudage.
En attendant de posséder un tour, il fait réaliser les cuvettes
nécessaires au support des cristaux de galène par un ami d'enfance,
René Halftermeyer, qui
était à l'époque dans la mécanique automobile. Plus
tard, il en achètera un à pédale, son local n'étant
pas alimenté en énergie.
C'est en allant chercher des pièces détachées à
la "Source des Inventions", boulevard de Strasbourg, qu'il entend
le patron se plaindre de l'absence de l'ouvrier qui lui fabriquait les détecteurs
à galène, qu'il saisit l'opportunité de décrocher
sa première commande en proposant ses propres détecteurs.
Encouragé par ce premier succès, il démarche le B.H.V.
et le Bazar d'Electricité, boulevard Henri IV, mais le gamin de 16 ans
qu'il est n'est pas pris au sérieux.
Un peu plus tard, il met au point un procédé chimique pour améliorer
la sensibilité de la galène naturelle. La "Source des Invention"
lui en achète alors par 25.
A nouveau armé de courage, il décide de les présenter au
constructeur le plus important de l'époque, Péricaud, qui intéressé,
les lui commande par 100.
A l'instar de M. Jegou, il invente un détecteur électrolytique
sans pile, qu'il tente de proposer à nouveau au Bazar d'Electricité,
nouvel échec.
Comme il ne peut faire de la publicité dans des revues de T.S.F.
qui n'existent pas encore, il participe en 1916 au concours Lépine pour
de se faire connaître du public. Il gagne la médaille d'argent
et rencontre son ancien employeur, L. Ancel qui lui propose alors de le reprendre
et de lui offrir un franc de l'heure. J. Lemouzy décline son offre mais
devient son fournisseur notamment en détecteurs et manipulateurs.
Quelque temps plus tard, dans la revue "L'Avenir de la T.S.F." qui
vient d'être créée, on peut trouver une annonce de L. Ancel
où figuraient un détecteur et un manipulateur Lemouzy, ainsi que
sa propre première annonce:
"J. Lemouzy fils, 28, rue Boucry, Paris 18è - pièces détachées
pour T.S.F.".
A 17 ans, il dépose son premier brevet pour un détecteur à
galène à double rotule.
Au concours Lépine suivant, en 1917, il obtient une nouvelle médaille
d'argent.
Alors qu'il est devenu fournisseur de l'armée en cristaux de galène
sélectionnés, fournisseur également de Ancel, Péricaud
et autres, il retourne au Bazar d'Electricité. Il en ressort cette fois
avec une commande "énorme".
Il devint même, peu à peu, l'unique fournisseur en pièces
détachées de cet important revendeur.
Il est mobilisé à dix-huit ans et demi et affecté à
un régiment d'infanterie. Après l'armistice, il est versé
à la Compagnie Hors Rang comme téléphoniste. Les loisirs
de ce poste lui permettent d'étudier la présentation de ses futurs
appareils, mais aussi d'imaginer diverses inventions telles que paratonnerre
au radium pour décharger les nuages, propulsion par réaction d'air
pour dirigeables ou d'eau pour les bateaux au moyen de turbines, canon à
très longue portée grâce à un obus gigogne à
3 étages, mortier à hydrogène, avion à ailes delta,
moteur sans piston à cylindres rotatifs.
Il est affecté enfin, opérateur radio au PC du Colonel où
il a, pour la première fois, l'occasion d'utiliser un amplificateur BF
à lampes.
Après la signature de la paix en 1919, il est en charge de l'organisation
des liaisons téléphoniques, télégraphiques et radioélectriques
à la tête du pont de Kehl.
Lors d'une sortie à Strasbourg, il obtient l'autorisation de visiter
une ancienne station allemande où émetteurs, boîte d'accord
Férié, amplificateurs HF-BF et un hétérodyne sont
encore en place. C'est là qu'au casque, il entend son premier concert
radiophonique émis par la station allemande de Nauen, sur 4 500 mètres.
Il continue alors à se documenter, jusqu'à construire un hétérodyne,
avec lequel il écoute ces "fameuses ondes entretenues". A force
d'ingéniosité, il le modifie pour pouvoir capter Lyon la Doua
et Bordeaux Croix d'Hyns qui commencent à émettrent respectivement
sur 15 000 et 23 000 mètres.
Il est alors convenu que franchir l'Atlantique nécessite des centaines
de kilowatts, quand il capte Prague et qu'il apprend que ne sont utilisées
que 100 lampes de 100 watts.
Il a alors l'idée de construire un émetteur portatif d'infanterie
à une lampe alimentée par 40 piles de lampe de poche. Il arrive
à émettre sur l'onde de veille de Strasbourg et lance son premier
message, brouillant du même coup un message du poste Chef du réseau
YA
..
Ravi, malgré les réprimandes toute militaire qu'il reçoit,
il apprend la semaine suivante, que son message à été entendu
également à Metz et Nancy.
Il construit alors un émetteur récepteur à 3 lampes avec
lequel il capte stations européennes et américaines.
Pendant ses permissions, le sergent Lemouzy continue à fabriquer et approvisionner
ses clients. Malgré cela, à cause de son éloignement, il
constate que "La Société des Télégraphes Multiplex"
le concurrence. Il demande alors à être affecté en région
parisienne, mais malgré l'intervention favorable du Général
Férié, ses chefs le déclarent "indispensable",
il le restera jusqu'à sa démobilisation.